mardi 27 juillet 2010

L'appel de l'Est

Une légère brise frôla lentement ses épaules. Elle frissonna et rajusta le chandail qu'elle avait sur les épaules. Elle se tourna un peu, pour faire face à la mer qui inondait devant elle. Elle était seule, assise sur un banc bleu et regardait devant elle. Les yeux fixés sur l'horizon, elle entendait à peine les bruits ambiants, un mélange de mouettes et de voix qui venaient d'ailleurs, portées par le vent. Elle était si loin dans ses pensées qu'elle n'avait pas senti la présence qui s'approchait lentement.

Elle était si loin dans ses pensées qu'elle ne remarquait même pas le paysage dans lequel elle était plongée. Le soleil descendait lentement derrière les montagnes tandis que les gens qui se mouvaient autour ramassaient tranquillement leur parasol et leurs couvertures. Elle ne voyait pas la vie qui grouillait à ses côtés. Elle était si loin dans ses pensées qu'elle ne remarquait pas le Nouveau-Brunswick qui s'étendait sans fin devant ses yeux. Si loin qu'elle ne sentait plus cet air salin qui emplit vos poumons quand on arrive dans la région. Si loin qu'elle ne remarquait pas le moustique qui était en train de prendre son repas sur le dessus de son pied, elle qui, habituellement, aurait tué l'insecte sans pitié, probablement accompagné d'un sacre puisqu'elle réagissait à ses piqûres, enflant parfois jusqu'à l'infection.

Elle était loin dans ses pensées. Bien plus loin que la petite Gaspésie où elle était. Elle était loin en espace, mais également en temps. Elle pensait à sa jeunesse qu'elle avait vécue ici. Elle pensait à tous ces moments magiques qui avaient comblé son existence de petite fille. Elle n'avait jamais bien compris le rôle que jouait l'eau dans tout ça. Maintenant qu'elle était si loin, elle comprenait. La Baie avait une drôle de façon d'apaiser les gens. C'était probablement elle qui permettait aux habitants d'être plus calmes, plus zen. Si on se mettait à fixer les vagues, on s'apaisait automatiquement. Habiter ici était une bénédiction. Y avoir été élevée aussi, d'ailleurs. Elle le comprenait enfin. Toutes ces années où elle avait tant voulu partir, voir plus grand, plus loin. Elle rêvait de liberté, de grandes villes, de cultures et de rencontres. Elle voulait s'évader, elle se sentait prisonnière. Elle trouvait que l'endroit ne permettait pas de s'épanouir. Elle souhaitait le quitter le plus rapidement possible. Maintenant, elle comprend.

Elle comprend tout ce qu'elle a manqué en souhaitant partir si longtemps. Ses soirées d'adolescentes lui remontent à l'esprit et elle est reconnaissante de les avoir vécues si loin. Les feux sur le bord de la grève, à n'importe quelle heure. Les soirées passées à se promener dans les petits villages. La proximité et la chaleur des gens, ce n'est pas une rumeur. Elle le savait maintenant et tout ça lui manquait alors qu'elle perdait un peu plus de son âme chaque jour durant les longs mois qu'elle passait loin d'ici. Elle était nostalgique. Nostalgique de ce temps où elle attendait l'autobus avec ses voisins, sur le bord de la route. Elle ne vivait pas dans la peur, ni dans l'angoisse. Tout était tranquille, tout était calme, sécuritaire. Elle était habituée à ce genre de monde et elle s'en voulait de ne pas l'avoir compris avant.

Il faut souvent partir, pour mieux revenir. Le dicton n'aura jamais été aussi vrai que cette journée-là où elle contemplait l'horizon en se souvenant. Elle voulait profiter de chaque petit moment, de chaque parcelle de temps passé ici, c'était un retour aux sources qui était nécessaire.

Elle sentit finalement sa présence lorsqu'il s'assit à côté d'elle, prenant sa main dans la sienne. "Il faut y aller, maintenant" murmura-t-il. Elle essuya la larme qui s'était glissée sur sa joue et répondit simplement "Je sais..." Elle se leva et le suivi. Elle quitta l'endroit le coeur gros, mais se promis qu'elle reviendrait aussi souvent que possible. Du moins, elle l'espérait.


J.

2 commentaires:

Patty O'Green a dit…

Wow, voilà toute la complexité et la beauté de ce qu'est de ressentir une présence. Enfin, mon interprétation, bien sûr :)

L'impulsive montréalaise a dit…

C'est d'une tristesse...